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Blog/ Virginie Bergeret
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23 avril 2015

Ecrire

Depuis septembre à travers l'atelier d'écriture, j'ai commencé à rédiger une série de courts textes. Ils abordent la question de la filiation, du rapport à la famille ainsi que du paysage et de l'environnement.Trois personnages centraux, trois générations différentes, trois lieux : une ville au bord du littoral, une maison familiale dans un environnement rural, un ailleurs lointain. Le projet est en construction, la forme final reste à définir...

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23 avril 2015

Le jour où la pluie était étincelante

C'était un jour de douce pluie, une eau si fine presque invisible. La lumière était intense, des percées de jour traversaient le pare-brise inondant de clarté le chemin d'Annie. Elle roulait lentement se laissant bercer par la route qu'elle connaissait si bien. Ce trajet était une parenthèse, un apaisement, une inspiration dans sa journée. Elle décida de prolonger l'instant en prenant l'itinéraire de la petite route, celle de la corniche qui longe l'Océan. Elle se situait à la frontière entre la terre et la mer.

 A sa droite, des champs d'herbes et de fleurs sauvages d'un vert éclatant, flamboyant presque phosphorescent couvraient la surface du sol. Autour, quelques taches noires ailées observaient amarrées à des piquets. Au loin, les arbres effectuaient une danse sensuelle sensé séduire le tonnerre. De ci, de là, des fourrés épineux restaient immuables comme des blocs monolithiques.

 A sa gauche, se déployait l'Océan, un lit d'écume vaporeux et hypnotique. Les vagues approchaient les rochers avec effronterie, elles ne semblaient pas effrayées par le bord tranchant, ni par la peau rugueuse des cailloux. Elles étaient plus douces avec le sable, comme si il s'agissait de jeunes enfants, elles venaient les caresser et les recouvrir avec tendresse.

Annie décida de se garer pour profiter du spectacle. Elle resta emmitouflé dans sa carapace de taule et de ferraille, insensible, au froid et au vent. Le ventre de l'Océan, poumon gonflé d'air continuaient d'effectuer sa respiration, aspirant, expirant à intervalles réguliers. Rien ni personne ne pouvait arrêter cette force vitale. Au loin, à l'Ouest un bout de terre était à peine perceptible, un mirage, il était à la fois réel et irréelle. Autour, l'eau et le ciel formait un ensemble monochrome. La pluie s'intensifia soudain, le soleil ne déclina pas, au contraire il redoubla d'effort comme par élan de solidarité. A cet instant, les gouttes épaissirent, elles se mirent à se parer de leurs plus beaux diamants. Elles scintillaient, elle dansaient, la pluie miroitait tel de l'or. Un trésor éphémère apparaissait devant son regard. Il s'agissait probablement de l’oeuvre d'un djinn céleste mettant à l'honneur la poésie du réel. Annie écarquilla les yeux, elle était une enfant devant un spectacle de magie. Consciente du cadeau que lui offrait la nature, elle ne voulait pas en perdre une seule miette. Le bouquet final débuta, le soleil déclina lentement en s'empourprant d'une lueur orangé presque rouge. La pluie diminua prémisse de la fin imminente. Les étoiles de pluie cessèrent de briller, le bord de mer revêtit son habit ordinaire. Le spectacle s'acheva aussi rapidement qu'il avait débuté.

 Elle salua avec ferveur ce paysage puissant et beau. Elle reprit sa route, les pensées et le coeur emplies de sérénité et de plénitude que le paysage lui avait donné.

23 avril 2015

Une tête d'ours et de chèvre

zubietafire

© photographie: Anne Laure Garicoïx

 

Un palmier à l'horizon se dresse, il est inaccessible, tel une boussole ses feuilles indiquent différentes directions.

Annie est entourée de ses parents. A sa gauche, son père à la carrure imposante et massive, est aussi solide que la roche de la montagne. Pour l'occasion, il a revêtu une peau. A sa droite sa mère, elle porte une chemise d'Arlequin : à grands carreaux rouge et jaune, recouvrant son ventre déjà bien rond. Ce jour là, Annie est une étoile scintillante coiffé de son couvre chef pointu, elle brille de joie et d'excitation. Au milieu de la cour, ses grands parents ne participent pas au festivité. Ils sont déjà âgés. Sur le goudron fissuré, ils sont sortis de la maison pour embrasser leur petite fille. Ils sont venus l'admirer, l'embrasser, lui dire combien elle est guapa. Les cloches ont sonné, Annie et ses parents s'empressent de rejoindre les autres. Le chien veut les suivre mais le grand père siffle. Juste un fois. La bête fait demi tour, elle sait ce qui l'attends si elle ne lui obéit pas.

Ils sont sur la place du village, Annie aperçoit une tête d'ours et de chèvre. Les pétards résonnent, le feu crépite, la chaleur est réconfortante, elle contraste avec le froid mordant qui saisit ses petites joues. Au loin, les voix de ses tantes maternelles lui parviennent. Son père s'éloigne et rejoint les autres hommes, ils entament un chant profond et ancien venu des ténèbres. Le cortège se met en marche. Ils sillonnent les ruelles, ils gravissent les légères pentes. Ils font des arrêts sur le pas de la porte des uns ou sous la grange des autres. A mesure que la procession avance, la boue se propage mais ils ne s'en soucis pas. Le rire est plus fort.

Lorsque la nuit tombe, ils se réfugient sous le chapiteau, le fête ne fait que commencer. Annie retrouve ses voisins, ils sont plus grands mais elle se fait accepter. Ils dansent, ils chantent, ils chahutent, ils rient, ils tombent et ils se relèvent comme les adultes. Annie finit par s'endormir dans les bras de sa mère. Il est tard, la lune est déjà bien haute.

Le lendemain matin, le village est comme après une tempête. L'eau coule le long des rigoles, la paille jonche le sol. Quelques barricades tiennent encore debout. Le cantonnier a déjà entamé le nettoyage, lorsque certains dorment encore profondément. 

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