C'était un jour de douce pluie, une eau si fine presque invisible. La lumière était intense, des percées de jour traversaient le pare-brise inondant de clarté le chemin d'Annie. Elle roulait lentement se laissant bercer par la route qu'elle connaissait si bien. Ce trajet était une parenthèse, un apaisement, une inspiration dans sa journée. Elle décida de prolonger l'instant en prenant l'itinéraire de la petite route, celle de la corniche qui longe l'Océan. Elle se situait à la frontière entre la terre et la mer.
A sa droite, des champs d'herbes et de fleurs sauvages d'un vert éclatant, flamboyant presque phosphorescent couvraient la surface du sol. Autour, quelques taches noires ailées observaient amarrées à des piquets. Au loin, les arbres effectuaient une danse sensuelle sensé séduire le tonnerre. De ci, de là, des fourrés épineux restaient immuables comme des blocs monolithiques.
A sa gauche, se déployait l'Océan, un lit d'écume vaporeux et hypnotique. Les vagues approchaient les rochers avec effronterie, elles ne semblaient pas effrayées par le bord tranchant, ni par la peau rugueuse des cailloux. Elles étaient plus douces avec le sable, comme si il s'agissait de jeunes enfants, elles venaient les caresser et les recouvrir avec tendresse.
Annie décida de se garer pour profiter du spectacle. Elle resta emmitouflé dans sa carapace de taule et de ferraille, insensible, au froid et au vent. Le ventre de l'Océan, poumon gonflé d'air continuaient d'effectuer sa respiration, aspirant, expirant à intervalles réguliers. Rien ni personne ne pouvait arrêter cette force vitale. Au loin, à l'Ouest un bout de terre était à peine perceptible, un mirage, il était à la fois réel et irréelle. Autour, l'eau et le ciel formait un ensemble monochrome. La pluie s'intensifia soudain, le soleil ne déclina pas, au contraire il redoubla d'effort comme par élan de solidarité. A cet instant, les gouttes épaissirent, elles se mirent à se parer de leurs plus beaux diamants. Elles scintillaient, elle dansaient, la pluie miroitait tel de l'or. Un trésor éphémère apparaissait devant son regard. Il s'agissait probablement de l’oeuvre d'un djinn céleste mettant à l'honneur la poésie du réel. Annie écarquilla les yeux, elle était une enfant devant un spectacle de magie. Consciente du cadeau que lui offrait la nature, elle ne voulait pas en perdre une seule miette. Le bouquet final débuta, le soleil déclina lentement en s'empourprant d'une lueur orangé presque rouge. La pluie diminua prémisse de la fin imminente. Les étoiles de pluie cessèrent de briller, le bord de mer revêtit son habit ordinaire. Le spectacle s'acheva aussi rapidement qu'il avait débuté.
Elle salua avec ferveur ce paysage puissant et beau. Elle reprit sa route, les pensées et le coeur emplies de sérénité et de plénitude que le paysage lui avait donné.